L’émergence de la métacognition en centre de documentation
Du structuralisme à la systémique, comment ces approches mettent-elles en évidence les connaissances métacognitives et l’affectivité dans un usage d’apprentissage en centre de documentation ?
Je vais présenter ma réflexion en 8 étapes.
1 De la syllogistique à l’inconcevabilité
1.3 Complexité de Kolmogorov et incomplétude de Gödel
Nous utiliserons ici le fallacieux prétexte du champ d’études transverse des Sciences de l’Information et de la Communication pour faire appel à la théorie algorithmique de l’information et au célèbre théorème de logique mathématique de Gödel. Leur emploi est selon nous nécessaire, pour illustrer, à l’aide de la quintessence de la science la plus « dure » (les mathématiques) la réduction des données opérées par les modèles bibliométriques (une science un peu plus « molle ») et mettre en évidence l’impossibilité de l’approche analytique à modéliser la complexité.
La théorie de la complexité de Kolmogorov synthétise plusieurs mesures de complexité, dont celle proposée par Shannon dans sa théorie de l’information. La théorie établit que la complexité d’un objet fini peut se définir par la taille du plus petit programme informatique (au sens théorique) qui permet de produire cet objet. La particularité supplémentaire de cette théorie est qu’elle n’est pas décidable. En effet, on peut concevoir un algorithme produisant l’objet voulu, ce qui prouve que la complexité de cet objet est au plus la taille de cet algorithme, mais on ne peut pas écrire de programme qui donne la complexité de Kolmogorov de tout objet que l’on voudrait lui donner en entrée.
Nous retiendrons de cette théorie qu’une information n’est jamais contenue dans un message seul, mais dans le couple message et décodeur, de façon indissociable. Ce constat nous permet d’établir que l’approche analytique, en divisant les éléments, ne peut pas appréhender la relation entre un message et son décodeur, base de la complexité.
Ce constat est renforcé par le fameux théorème d’incomplétude de Gödel, publié en 1931 dans son article « Über formal unentscheidbare Sätze der Principia Mathematica und verwandter Systeme » (Sur les propositions formellement indécidables des Principia Mathematica et des systèmes apparentés).
« Dans n’importe quelle théorie récursivement axiomatisable, cohérente et capable de « formaliser l’arithmétique », on peut construire un énoncé arithmétique qui ne peut être ni prouvé ni réfuté dans cette théorie.
Si T est une théorie cohérente qui satisfait des hypothèses analogues, la cohérence de T, qui peut s’exprimer dans la théorie T, n’est pas démontrable dans T. »
Nous retiendrons et transposerons du premier énoncé aux Sciences de l’Information et de la Communication, qu’une théorie suffisante pour « faire » de la documentation est nécessairement incomplète. Il existe dans cette théorie des énoncés qu’on ne sait pas démontrer à partir des seuls axiomes de la logique et dont la négation n’est pas non plus démontrable. « Il n’existe aucun formalisme qui embrasserait toutes ces étapes [du développement mathématique]. » [BON 08] La science la plus « dure » éprouve ses frontières avec humilité, la documentation en est-elle capable ?
L’approche scientifique, analytique, logique, montre ici ses limites. Cette volonté d’appréhender le réel de façon linéaire rend les aristotéliciens incapables de se rendre compte de leur incompétence face à la complexité.
[BON 08] Boniface Jacqueline, 2008, « Gödel : des théorèmes d’incomplétude à la théorie des concepts », in Noesis, N°14 | 2008 : Sciences du vivant et phénoménologie de la vie, [en ligne], http://noesis.revues.org/index1661.html, consulté le 30 décembre 2010