Je réagi à l‘excellent billet d’Internet Actu sur les humanités et sciences cognitives.
On adore tous les générateurs de phrases comme le générateur d’insultes du capitaine Haddock par exemple. Qui permet de pouvoir traiter quelqu’un de « Bayadère de boit-sans-soif mal embouché » sans trop se creuser la tête. Le plus souvent sans aucun intérêt hormis celui de nous faire sourire, ils sont tous construits de la même façon : plusieurs séries de mots ou de bouts de phrases rangés dans différentes catégories. En appuyant sur un bouton, un algorithme vient puiser « aléatoirement » dans chaque catégorie et restitue un ensemble assemblé suivant des règles (grammaticales ou syntaxiques par exemple). Comme dit, le résultat est souvent rigolo.

Le procédé est ancien, il date du moyen-âge.
Au XIIIe siècle, le philosophe Raymond Lulle avait déjà mis au point un « générateur automatique » de propositions philosophiques. Son « ordinateur » était un système de roues concentriques, chacune comprenant des sections représentant diverses notions philosophiques. En faisant tourner les roues, on obtenait différents aphorismes, tel « la bonté de Dieu est mystérieuse ». Prétexte à de nombreuses méditations sur les « Attributs du divin », Lulle espérait que sa « machine » aiderait à convertir les infidèles à la foi chrétienne.
Ce que propose Lulle dans son « Ars Magna » est un ensemble d’algorithmes (au sens moderne) permettant de résoudre une classe très vaste de problèmes. Il s’agissait de construire des assemblages de « catégories », « propriétés », « vertus » etc. ; surtout il s’agissait de fournir une liste exhaustive des combinaisons possibles.
Le travail de Lull est à l’origine des travaux de Leibniz et orienta profondément sa pensée. Leibniz (1646-1716) est, par excellence, le grand ancêtre de l’intelligence artificielle.
Ce qui beaucoup moins drôle, c’est l’utilisation que les médias peuvent en faire. Démonstration avec Stats Monkey, un programme d’intelligence artificielle qui est capable d’analyser le déroulement d’un match de Baseball et de générer un compte rendu de la rencontre sportive à partir de phrases préparées par un journaliste. Il requête tout seul sur Internet pour trouver des photos des joueurs, les résultats de la saison des équipes concernées…
On imagine facilement quel usage peut faire un état en cas de conflit pour inonder des mashups (agrégateurs de contenu) de news, actu, brèves, feuillets, créé à la volée par une machine pour influencer dans tel ou tel sens.
A l’échelle de l’individu, on peut aussi imaginer des parents répondant à leur enfant qui réclame une histoire « va voir Joshua *, il va te raconter une histoire ». Et l’ordinateur de répondre « Salut Machin, je vais plutôt te lire l’histoire du vilain petit canard ce soir. Hier, avec l’histoire des trois petits cochons, la webcam m’a permis de détecter une augmentation du stress lorsque le loup attaque la maison de briques. Rassures toi, si tu as peur, tu peux serrer mon clavier. »
(*) clin d’oeil au film Wargames.
Sources :
- http://www.internetactu.net/2010/04/22/humanites-et-sciences-cognitives-14-une-nouvelle-critique-litteraire/
- http://www.internetactu.net/2010/05/27/humanites-et-sciences-cognitives-34-machines-a-ecrire/
- http://www.paulbraffort.net/ia/pdf/IA_chap8_les_idees_et_les_hommes.pdf
- http://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2010/03/09/l-ere-des-robots-journalistes_1316608_3236.html
- http://www.lemonde.fr/technologies/article/2010/05/28/quand-la-litterature-sera-produite-par-les-machines_1364676_651865.html
1 thought on “Comment votre ordinateur racontera une histoire à votre enfant…”