Comme le souligne Alain Grandjean, tant que l’on continuera à évaluer les stratégies de développement durable à l’aune d’indicateurs financiers inadéquats, tel que le taux de rendement interne (TRI) par exemple, les entreprises ne pourront pas se persuader d’agir (Grandjean, 2008). En effet, lorsque l’on compare le coût de l’investissement à ses recettes futures, en les actualisant, 1 euro dans 20 ans vaudra 0.4 euro (avec un taux d’actualisation de 5%).
L’avenir n’existe pas
A travers le prisme financier, l’avenir n’existe simplement pas. Comment expliquer alors que le rapport [1] « Investir dans le changement climatique, nécessité et opportunités en période de turbulences » publié par la Deutsche Bank, montre qu’en 2007, plus de 148 milliards de dollars ont été investis dans les technologies vertes ?
C’est peut être parce que c’est dans le prolongement de la crise de 2008 que sont apparus, dans les institutions internationales, à l’ONU, à l’OCDE, deux nouveaux concepts, la « croissance verte » puis l’« économie verte ». La définition adoptée par les Nations Unies [2] est celle d’« une économie qui entraîne une amélioration du bien être humain et de l’équité sociale tout en réduisant de manière significative les risques environnementaux et la pénurie de ressources ». Le marché mondial, au-delà donc des seuls « cleantechs » pourrait atteindre à moyen terme 4 500 milliards de dollars [3]. Pour autant, Edwin Zaccaï souligne que « L’économie verte n’a pas vraiment fait recette à Rio 2012 où l’objectif, flou, est assorti de bien des conditions […] »(Zaccaï, 2013). Il en résulte qu’on ne peut plus dire que la crise soit une possibilité de changement, les orientations étatiques, en France et en Europe, montrent bien qu’il s’agit d’un des fondements de l’économie verte « (…) while many countries are struggling to cope with the economic and financial crisis, the need for economic reforms and the reduction of public debts offer new opportunities to move rapidly towards a more resource-efficient, low-carbon economy » (European Commission 2012, p. 2 et p. 28).
Reprise sous conditions
En France, le Commissariat général au développement durable (CGDD) en arrive, en 2011 [4], à la conclusion que la transition de notre économie ne se fera que si trois conditions sont remplies simultanément : la mise en oeuvre d’une réelle politique industrielle ; la sécurisation des parcours professionnels ; l’articulation du dialogue social au niveau de l’entreprise, du secteur d’activité et du territoire. La réalité, c’est que les états ont mis du temps à comprendre que l’économie verte pouvait rivaliser avec les autres économies et que ses leviers étaient autant économiques que politiques.
De fait, « après la pression des ONG et associations, les entreprises subissent désormais celle des États qui ne veulent plus ni supporter des coûts environnementaux, ni tolérer des comportements sociaux et des évasions de revenus profitant aux intérêts d’actionnaires extraterritoriaux » (Comité 21, 2012).
Et si les comportements de ce qu’on appelle maintenant les « consom’acteurs » ont en effet bien changé et qu’ils attendent des produits sans OGM, sans phtalates, sans bisphénol A, sans huile de palme non durable, et fabriqué en France, on constate, dans le baromètre BVA de l’engagement durable des citoyens 2014 que les français en cette période de crise, se recentrent sur des valeurs individuelles (santé et pouvoir d’achat) et font passer l’engagement au second plan. En effet, « l’importance accordée à la protection de ma santé et à l’amélioration de mon niveau de vie progresse (+2%) au détriment de la protection de l’environnement (-3%) et de l’équité sociale (-1%). [5] »
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Bibliographie et notes
[1] http://www.comite21.org/docs/actualites-comite-21/2009/rapport-de-prospective-2009-26062009.pdf
[2] Vers une économie verte – Pour un développement durable et une éradication de la pauvreté, Synthèse à l’intention des décideurs, PNUE, 2011.
[3] « Trois défis pour Rio+20 – Transition économique, renouveau de l’Agenda 21, dialogue parties prenantes », Rapport du Comité de prospective 2012 du Comité 21.
[4] Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans les secteurs de l’industrie et de l’énergie dans le contexte d’une économie verte, Syndex et Groupe Alpha, CGDD, avril 2011.
[5] Régis Olagne, Directeur de Clientèle BVA spécialisé dans le Développement Durable et à l’origine du Baromètre BVA de l’Engagement Durable du Citoyen http://www.bva.fr/fr/actualites/parole_d_expert/developpement_durable_economie_collaborative.html
Comité 21, 2009, « Temps de crise financière, économique, écologique, sociale : enjeux, contradictions, opportunités par le Comité de prospective du Comité 21 », [en ligne], http://www.comite21.org/docs/actualites-comite-21/2009/rapport-de-prospective-2009-26062009.pdf, consulté le 08/09/2014.
Grandjean Alain, 2008, « Crise financière et développement durable », Revue « Annales des mines ».
Zaccaï Edwin, 2013, « Le développement durable dans la crise en Europe », Développement durable et territoires, [En ligne], Vol. 4, n°3 | Octobre 2013, mis en ligne le 30 octobre 2013, consulté le 08 septembre 2014. URL : http://developpementdurable.revues.org/10207.
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